Des hommes sans nom

 » Les croyants sont crédules, murmura-t-elle avec un demi-sourire. Ils mélangent souvent le vrai et le faux, comme tous nos concitoyens d’ailleurs. J’ai toujours la foi, une foi simple, que plus personne ne pervertira. L’Islam fantasmé des origines, le retour de plusieurs siècles en arrière que proposent Daesh ou Al-Qaida, c’est définitivement terminé pour moi. Je souhaite me racheter une bonne fois pour toutes de mes égarements et repartir sur de bonnes bases. Il faudrait seulement que la République arrête de rabâcher son catéchisme incantatoire, d’exhiber ses symboles à tout bout de champ, et fasse appel à notre intelligence…Et nous donne une espèrance aussi puissante que la religion. » p220.

L’engouement pour le Renseignement ne cesse de croître depuis Le Bureau des Légendes, série qui à son début et dans la dernière saison a quand même l’objet de critiques virulentes. La culture autour de James Bond, de Mission Impossible, de certains films de qualité divers, de livres, ou de BD, se référait jusque-là au mot espion et de son substantif espionnage. Ou bien à la figure de l’agent secret qui sauve le monde. Il se dit que certains connaisseurs n’apprécient pas vraiment ces mots. Et pis espionner c’est quand même assez argotique, sans vouloir dire péjoratif. C’est un peu comme si on disait à un cuisinier qu’il ne serait qu’un assaisonneur, alors que son rôle ne se limite pas qu’à saucer une viande.

Victoire est officier traitant à la DGSE. Elle s’ennuie dans ces bureaux livrés à une ambiance kafkaïenne faite d’intrigues grotesques d’un autre temps- précisément entre francs-maçons et Tradis- mais qui hélas rappellent que nous sommes à Paris (place centrale du Pouvoir), mais aussi de la schizophrénie même de cette administration française ou véritable rouleau compresseur auquel personne n’y échappe.

Voilà qu’un cadre de l’EI demande à prendre contact avec La Boîte. En clair: il demande à être exfiltré par les Français. Il se trouve que certaines informations ont été livrées par Centaure, une source de l’ex-mentor à Victoire qui n’est pas en odeur de sainteté à cause d’un prédécesseur sur un poste qui a cédé à son espionnite jalouse. Victoire va donc, contre vents et marrées, adjoindre Nikolaï Kozel ex-légionnaire d’origine ukrainienne à son objectif de débusquer la responsable d’une madrassa pakistanaise suspectée d’activités terroristes.

Autant être clair tout de suite: l’histoire est tirée par les cheveux, parfois marquée d’incohérences, et les personnages peuvent sonner comme caricaturaux. Un peu du sous Le Carré. Surtout Victoire qui fait un peu petite princesse tradie déclassée ( pas puritaine non plus), mais il est intéressant de voir en partie au travers elle cette notion- chrétienne!!!- du sacrifice, du don de soi, alors qu’on sait qu’au fond il n’y a rien à attendre en retour- et surtout qu’on passera sous silence pour des raisons lié au secret, alors que paradoxalement des sommes non négligeables de nullités se font qualifier de résistant contre l’islamisme.

D’une écriture limpide mais pudique, le roman a le mérite de poser une véritable lecture géopolitique à la française qui nous manque peu ces derniers temps. Les auteurs sont assez pertinents à propos de ladite idéologie jihadiste et des organisations qui y adhérent, bien à rebours de tous ces débats franchouillards et débilitants.

Dernière chose: vous êtes un espion, un activiste politique, ou un simple voyageur, et vous êtes dans un pays instable où vous êtes susceptible d’avoir des ennuis…Surtout ne comptez pas sur les diplomates français pour venir vous prêter main forte!

Note: 5.9/10

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