Quand l’usage excessif des écrans est publiquement mis en cause, les formules sont souvent nébuleuses. On lit et on entend ainsi frequemment, par exemple, que » trop de temps d’écran endommage le cerveau« , que » l’excès de temps d’écran est nuisible à la santé mentale« , que » trop de médias sociaux augmentent la solitude et l’envie« , que » les adolescents passant beaucoup de temps devant un écran ont un risque accru de connaître des symptômes insomniaques« . Mais, en pratique, que faire de tout cela? » Raisonnable » ça fait combien? Où débute » l’excès« ? À partir de quelle durée pénètre-t-on le « trop« ? Ces questions trouvent rarement les réponses qu’elles méritent. Et pourtant, la littérature scientifique regorge de données. Michel Desmurget ( La fabrique du crétin digital, p230-231).
L’Affaire Mila est un marqueur d’effondrement civilisationnel. Pour rappel, cette jeune fille mineure est obligée de vivre sous protection policière depuis fin Janvier 2020, où, grosso modo, suite au refus de céder aux avances d’un jeune abruti qui traitait les lesbiennes de tous les noms d’oiseau, la principale concernée a reçu quantité de menaces de morts et de viols en réponse du propos suivant: « Je déteste la religion, le coran, il n’y a que de la haine là-dedans, c’est de la merde, c’est ce que j’en pense. On ne peut pas être raciste d’une religion. L’islam est une religion, j’ai dit ce que j’en pensais, vous n’allez pas me le faire regretter. Votre religion c’est de la merde ».
À toutes fins utiles, il est de bon ton de rappeler qu’effectivement personne n’a à menacer quiconque pour quelque prétexte que ce soit. La loi est tout de même claire en ce qui concerne la menace de mort, Article 222-17 du Code Pénal: « La menace de commettre un crime ou un délit contre les personnes dont la tentative est punissable est punie de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende lorsqu’elle est, soit réitérée, soit matérialisée par un écrit, une image ou tout autre objet.[…] La peine est portée à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 euros d’amende s’il s’agit d’une menace de mort. » Et pour ceux qui seraient tenter de passer à l’acte concernant un viol, réfléchissez-y bien à deux fois…sachant que dans les geôles de France et de Navarre il se pourrait bien qu’on vous inflige un traitement similaire.
Le calvaire vécu par cette jeune fille et son entourage n’est absolument pas normal. En effet, médiatisation de l’affaire oblige, la jeune femme a semble-t-il était obligée de changer d’adresse et d’établissement scolaire. Pas plus tard qu’aujourd’hui, les médias rapportent que le dernier établissement scolaire où Mila était inscrite…ne veut plus assurer sa scolarité. En cause, Mila a révélé son nom lors d’un live et on peut comprendre- quoi qu’en disent certains- que les responsables souhaitent avant privilégier la sécurité de leur établissement ( et aussi celles des autres éléves).
Aussi, on est en droit de se demander dans cette histoire qui est l’adulte et qui est l’adolescent?
Tout aurait été réglé si avions-nous des adultes responsables. En regardant bien, cette histoire est partie d’un clash d’ados qui traînent un petit beaucoup- trop!!!- sur les réseaux sociaux. Seulement, quand on a d’un côté des laïcards alliés de leurs compères fascistoïdes, et qu’en face vous trouvez non seulement du relativisme de la part de certaines personnalités de la lutte contre l’Islamophobie, mais aussi des petits cons parfois en mode Kouachi, espérer avoir un débat serein est là comme de demander à des élèves en CP de ne pas faire de bruit pendant que le prof a le dos tourné.
Certes face aux tenants d’une loi sur le Blasphème, parce qu’il y en a bien plus qu’on ne le croît, et pas que chez les Musulmans, la liberté n’est pas un acquis mais un bien précieux. Il y aurait maintes critiques à adresser aux prédicateurs rigoristes, comme cette manie de takfiriser à outrance les Chittes ( qualifiés d’égarés), les Chrétiens ( qualifiés de mécréants, » Et ne dîtes pas trois« ), les Juifs ( désignés parfois comme sources des pires maux, mais vis-à-vis desquels on aime parfois se comparer), les Homosexuels, ou cette constante à toujours vouloir réduire, voire invisibiliser, les femmes. Jadis, Spinoza a été exclu par ses coreligionnaires pour sa souscription à des théories rationnalistes mettant en cause le caractère révélé de la Loi Juive. Giordano Bruno a fini brûlé sur un bûcher pour ses écrits jugés » athéistes ». Il faut bien se dire qu’une loi sur le Blasphème sonnerait le glas de ce qui reste de cette Liberté d’expression, car ce qui composerait un » blasphème » varie selon les groupes de gens et si aujourd’hui on vous retire le droit de Blasphèmer…demain on vous empêchera peut-être de vivre la vie tel que vous la concevez.
Seulement, dire » L’Islam c’est de la merde« , « je chie sur le Coran« , au même titre que de dire » le Judaïsme/ le Christianisme c’est de la merde » ou « la Bible c’est de la merde« , c’est quand même un peu facile et ça n’atteint même pas un millionnième la portée de l’héliocentrisme copernicien.
Sérieusement, que foutent autant de mioches sur les réseaux sociaux? Et surtout, quid de l’autorité parentale qui consiste tout de même à s’assurer qu’un enfant reste sur le droit chemin? Lorsqu’un môme qui menace Mila avec un montage faisant référence à une exécution mise en scène par l’Organisation État islamique, un môme qui parallèlement publie une photo de son doudou ( soit douze ans peut-être), est-ce que ça ne pose pas question sur son entourage? Lorsque Mila publie ses vidéos outrancières, est-ce que ça ne pose pas des questions liées à l’autorité parentale?
Maintes études publiées, ça ou là, alertent sur la toxicité des réseaux sociaux déjà pour les adultes. Sauf erreur, mais aucun des réseaux sociaux actuels- Facebook, Twitter, Tik Tok, Instagram- n’est paramétré pour avoir un public âgé de moins de dix-huit ans. Et cette période charnière qu’est l’adolescence, qui permet de passer théoriquement de l’enfance à l’âge adulte, est assez délicate car c’est quand même là où on est confronté aux problèmes d’ordre existentiels pour la première fois de son existence ( ils sont dans un monde qu’on ne comprend pas), qu’on connaît ses émois amoureux, et qu’on a envie d’envoyer chier ses darons » qui ne peuvent pas comprendre ». On sait aussi que depuis l’invention d’Internet, des mécanismes pernicieux tels que « les bulle de filtres » ou bien » la chambre d’écho » ont vocation à fausser des perceptions d’adultes âgés de 40 à 70 ans aux vies bien fâites.
Imaginez pour une personne à peine âgée de seize ans ou moins…
Instagram, que Mila utilisait, est un RS très prisé des m’as-tu-vu et de ceux qui ont basculé dans l’egotrip afin de se faire connaître, en comparaison des comptes de célébrités qui sont plus enclines à l’autodérision ( et ça sert aussi de plateforme pour des réseaux de prostitution, quand certaines influenceuses ne monnayent pas elles-mêmes leurs prestations).
De plus, les RS sont paramétrés sur du cash, du buzz, et du like. L’influenceur/ l’influenceuse est en général prêt à tout, car le but ultime c’est de faire parler de soi et peu importe les dégâts. Et à ce niveau l’irresponsabilité n’a pas d’âge.
L’autre danger principal, cette affaire en témoigne comme tant d’autres, reste que les jeunes font partie des cibles privilégiées de gens ayant de noirs desseins: recruteurs de jihadistes, amateurs de guerre raciale, ou voire même des prédateurs sexuels. Ces gens arrivent avec des rhétoriques bien rodées pour les convaincre de venir à eux, et la seule chose qui puisse en préserver un maximum de tomber dans le piège c’est de leur donner des outils pour comprendre et contrecarrer. Hélas, avec des jeunes scotchés devant des pixels l’entreprise est vouée à l’échec. Comment voulez-vous faire si déjà on les laisse s’abrutir et que leurs entourages sont, pour le moins qu’on puisse dire, défaillants?