» Ce deux poids, deux mesures nourrit les tensions sociales et rend difficile la lecture des politiques publiques, dont les « gilets jaunes » ne voient ni le sens ni la contrepartie. Beaucoup ont l’impression d’être gouvernés par une élite technocratique très éloignée de leurs besoins quotidiens. Parmi les manifestants, certains avaient voté Macron, dans une forme de dégagisme d’extrême centre, en tablant sur le pragmatisme. Cet espoir a entraîné encore plus de désillusion, car ils ne voient pas le résultat. » Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités: «Gilets jaunes»: Attention à ne pas les réduire à un mouvement extrémiste», Le Monde, 19 Novembre 2018
Nous ne sommes pas qu’en train de payer des casseroles remontant, au moins, à l’ère Mitterrand ou à celle sous Chirac, avec de très possibles accumulations faîtes sous les ères Sarkozy et Hollande. Nous payons aussi, et chèrement, ce manque d’empathie qui s’est généralisé à cause des clivages stupides engendrés par d’interminables faux-débats opposant les partisans du 6 à ceux du 9. En gros, lorsqu’un imbécile de gauche du haut de sa prétention va dire 6, l’imbécile de droite- persuadé d’être dans le vrai en disant le contraire- va dire 9 du haut de sa suffisance, et ça va de mal en pis avec l’émergence de soi-disant » top-influenceurs » qui en font des tonnes pour faire le buzz en plus d’afficher des travers révélateurs de cette époque: narcissismes, refus de toute forme de critique, logiques binaire caractérisées par des agitations hémiplégiques.
Pendant ce temps, on a tendance à oublier qu’il existe des gens- en Province notamment, et habitant parfois dans ce qu’on nomme des trous perdus- qui n’ont rien à foutre, mais alors vraiment rien à foutre, des petits potins et discussions de basse-cour qui agitent le microcosme parisien.
Ce qui différencie un pays occidental tel que la France d’un pays en voie de développement est que le premier possède une classe moyenne, là où le second divisera ses habitants en deux catégories bien distinctes: les très riches et les très pauvres; or, à l’heure actuelle, celles qui casquent le plus sont justement les classes moyennes. On constate depuis de nombreuses années, depuis de trop nombreuses années, que les classes dîtes moyennes sont comme écartelées par les politiques gouvernementales qui s’enchainent sans que ça change quoi que ce soit au problème.
À quoi s’ajoute dans la balance qu’une part non négligeable de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Si elle ne paie pas d’impôts, le coût de la vie augmentant d’années en années fait que beaucoup de gens renoncent à se soigner et qu’il lui est aussi difficile de subvenir à ses propres besoins ( nourritures, carburant, etc).
On pourrait parler du cas des auto-entrepreneurs qui croulent sous les charges, des petits commerces sacrifiés sur l’autel au profit des grandes surfaces, des agriculteurs qui- avec les adolescents- connaissent le plus fort taux de suicide.
Il y a une déconnexion totale entre les classes dominantes et tout le reste. Plus qu’un mur, un fossé qui n’a de cesse de s’élargir.
Depuis l’Affaire Benalla, il est à constater que LaRem a de plus en plus de mal à dissimuler son attitude hautaine dans sa communication dès lors qu’il faut faire face aux critiques. On en voyait pourtant des signes annonciateurs lors de la polémique opposant Emmanuel Macron au général Pierre De Villiers, à propos du budget de la défense et des conditions précaires des soldats, où, pour rappel, le président alors nouvellement élu avait apostrophé en direct l’ancien chef d’état-major des armées. La chose avait choqué, provoqué l’ire, mais En Marche avec sa com avait su tenir bon malgré la tourmente.
Comme à chaque rassemblement protestataire sur place publique, au lieu de poser le débat, le réflexe de beaucoup- observateurs, journalistes, politiciens- va être de se livrer à des spéculations ( ici Eric Zemmour ou Jean Quatremer) exprès pour faire le buzz, ou bien inversément de chercher la petite bête avec telle ou telle personne qui seraient en lien avec un parti politique méprisable ( là RN ou DLF) ou bien avec l’apparition de personnages folkloriques ( Dieudonné, un négationniste multi-condamné qui ne mérite pas d’être cité). Et puis faut pas se leurrer, évidemment, que si certaines formations de type populistes ou grand-guignolesques ( LR avec Wauquiez) affirment leurs soutiens ce n’est pas du tout gratuit: ils sont en campagne et voient dans le malheur des gens une aubaine pour collecter des voies.
L’occasion est trop belle pour ceux-là de jouer la carte de l’anti-macronisme primaire. C’est d’autant plus amusant parce que Laurent Wauquiez, lors des dernières élections présidentielles, soutenait François Fillon dont le programme était encore plus libéral. Quand à Marine Le Pen, si elle eut été élue, il n’est pas dit qu’elle et son entourage- plus royaliste que le roi- aurait toléré la moindre contestation. Comme Jean-Luc Mélenchon nous a montré, lui, L’Homme du Peuple, ô combien il était respectueux des lois républicaines.
Naturellement, rien ne peut excuser les dérapages et les incidents répertoriés. Lorsque Jacline Mouraud clame la responsabilité du gouvernement dans le décès d’une manifestante percutée par une conductrice, on est dans l’irresponsabilité totale.
Moralement parlant, bloquer le trajet des véhicules de secours, c’est criminel! Et ils sont nombreux dans les rangs d’extrême-gauche ou d’extrême-droite, avec leurs verbiages putassiers ou pseudo-intellectuels, à vous justifier que la fin justifie les moyens ( les dommages collatéraux). De fait, la manifestation aurait méritée d’être mieux encadrée: possibilité de barrages filtrants à des points d’arrêts de véhicules ( Stop, rond-points, ou à des panneaux cédez-le-passage) et de laisser ces gens expliquer le pourquoi de leurs démarches, ce qui eut été plus pédagogique et aurait évité de s’aliéner une partie de la population.
La liberté s’arrête là où commence celle d’autrui.
Les insultes homophobes adressées à un élu, la femme musulmane qu’on oblige à retirer son hidjab, cette dame qui s’est faite insulter à coup de » Casse-toi, retourne dans ton pays!« , ou bien les membres des forces de l’ordre qui ont dû essuyer des agressions physiques, sont autant de dérapages qui ternissent l’image d’un mouvement qui s’annonçait pacifique. Untel qui est cadre chez Dupont-Aignan et qui valorise le modèle Biélorusse- et qu’on dit fan de la théorie débile du Grand Remplacement si chère à Renaud Camus cet écrivain post-proustien ennuyeux. Inversement, et c’était à prévoir, les réactions de certains automobilistes- foncer dans le tas ou sortir pour en niquer un– sont aussi révélatrices d’un certain état d’esprit.
Tout l’inconvénient d’avoir un mouvement hétéroclite et non structuré: on peut tomber sur n’importe qui, ou ça passe ou ça casse! Seulement, on va s’arrêter à ça. On ne va pas plus loin.
Lorsque vous parlez avec des gens qui travaillent, en permanence ou partiellement, revient comme un boomerang cette sensation que tout augmente sauf le salaire. Prenons la voiture. Quelques centimes de plus sur un litre de carburant ça donne une somme plus importante selon la quantité de litres retirée. Tout le monde n’a pas les moyens de changer son véhicule Diesel, et qu’annoncée en « grande pompe »- pardonnez ce jeu de mots- la prime à la casse risque de provoquer un effet de saturation avec la lenteur intrinsèque des démarches administratives.
La loi sur la limitation de la vitesse à 80 KM/H, peut-être faite justement pour limiter les dépenses en carburant, a ceci de contreproductif que plus on reste sur la route plus on risque un accident. Quand bien même il existe des caricatures de chauffards, des imbéciles qui ne pensent qu’à leurs gueules, et que l’idéal est d’adapter sa conduite en fonction des endroits où l’on roule, le flicage permanent des automobilistes est bel et bien là avec les variété de radars plantés ça et là: et puis les péages qui augmentent leurs prix, ajoutez aussi les contraventions salées, les centres-villes dans lesquels il ne devient de plus en plus compliqué de se garer et qui saturent aux heures de pointe…ça coûte tout ça, ça coûte.
L’entretien d’un véhicule ça coute aussi. Peut-être que certaines âmes sur les réseaux sociaux devraient sortir de leurs bulles. Ainsi, il vaut mieux connaître un petit garagiste sympa et honnête que s’en remettre à des franchises, lesquelles après une première vérification vont sortir par exemple que selon leurs propres normes elles ne peuvent pas installer des plaquettes de freins sur un disque qui ne soit pas issu de leurs stocks- ce qui peut être un casse-tête si l’on va ensuite consulter les services d’un garagiste indépendant, puisque les pièces qu’il proposera ne seront pas forcément adaptées et qu’il lui faudra peut-être passer commande ( tout ça prend du temps, et le temps ça coûte figurez-vous).
Les automobilistes possédant des véhicules anciens peuvent effectuer d’eux-mêmes quelques petites réparations ( changer une ampoule de phare, ou remplacer un câble d’accélérateur), mais ceux possédant des véhicules récemment commercialisés sont contraints à faire appel aux services de professionnels puisque au jour d’aujourd’hui les véhicules comportent des dispositifs High-Tech qui complexifient le fonctionnement ( on peut arrêter votre véhicule à distance, voire même le pirater).
Inciter les gens à emprunter des transports en commun serait une bonne alternative, certes. Sauf qu’on est nuls, pas capables de s’organiser comme nos voisins Allemands ou nos cousins néerlandais. Ainsi, le rapport qualité-prix de la SNCF tient d’une fable kafkaïenne: les prix des billets n’ont de cesse d’augmenter lorsque l’état des véhicules et des lignes laissent à désirer; que tel syndicat peut du jour au lendemain décider d’une grève impromptue sans même passer par des négociations avec leur direction ou le gouvernement en place; que la communication est une véritable catastrophe: il arrive que les passages d’un véhicules bloqué sur la voie pour X raisons- un quidam qui a décidé d’en finir avec sa vie, un animal d’élevage heurté- n’apprennent le motif qu’une demi-heure ou une heure plus tard.
Certaines villes ont commencé à mettre en place le forfait Parking+Tram ( ou Parking+Bus), c’est pour dire…
Mais bon. Coup d’épée l’eau qu’est cet article. Continuons de faire comme si de rien n’était: soyons suffisants, attardons-nous sur l’horrible facho ou l’horrible islamo-gauchiste qui font des cameos, et puis racialisons la chose qui n’avait pas lieu de l’être plutôt que de constater qu’on a des laissés pour comptes tant dans les campagnes que dans les zones bitumées dites sensibles, et que ce mouvement protestataire n’en est qu’un parmi tant d’autres de ces citoyens qui ne peuvent plus souffrir en silence. Racialisons la chose. Oui, racialisons la chose de sorte que tous ces gueux finiront bien par se taper sur la gueule! Peu importe si des gens en ont souper de souffrir en silence.
Peu importe, si l’on fonce droit dans un mur pleins phares, en klaxonnant….restera juste à déterminer qui paiera les pots cassés.