Il en découle une forme d’aveuglement de masse. Tout le monde ou presque a entendu parler des agissements peu recommandables du secteur, mais qui sait que la fumée de cigarette contient de l’arsenic, du cyanure et des isotropes radioactifs? Qui sait que les neuf dixièmes de réglisse de la planète finissent dans le tabac et qu’on ajoute de l’ammoniac aux cigarettes, ce qui les transforme en véritable crack de nicotine? Qui sait que seuls les deux tiers environ des composants de la cigarette sont effectivement du tabac, tout le reste n’étant qu’une espèce de brouet de sorcière, mélange de sucres ajoutés, d’accélérateurs de combustion, d’argent d’épuration, de dilatateurs de bronches et d’humectants tels que la glycérine ou le diéthylène glycol, antigel aux effets mortels qui a contaminé tant de tubes de dentifrice chinois? Qui sait que l’on retrouve parfois des déchets dans les cigarettes, de la terre et des moisissures, bien sûr, mais aussi des vers, du fil de fer et des excréments d’insectes? ( Golden Holocaust, p12).
Il y a des livres polémiques qui ont eu des retentissements forts, comme La Stratégie du Choc de Naomi Klein, et qui ont valu à leurs auteurs de faire l’objet de campagnes diffamatoires. Il y en a un dont on a moins entendu parler malgré quelques recherches de Google recensant deux articles sur Le Monde, un article sur le site de France Inter, et attestant que les sites de vente en ligne- FNAC, Amazon- n’ont aucun problème à le proposer majoré de réductions.
Mais voila, le sujet qu’il aborde est très très délicat: il est question de la cigarette, cet objet commun à des milliards d’individus sur terre…
« Golden », c’est la feuille d’or ( surnom du tabac). « Holocauste », qu’on assimile aux résultat des camps d’extermination nazis, renvoie au sacrifice d’un animal par utilisation de feu et à la carbonisation du corps de celui-ci offert en offrande à une divinité supérieure ( pratique qui était très répandue en Grèce Antique ou dans le Royaume d’Israël).
On n’est pas sans savoir que la cigarette, à l’instar des boissons alcoolisées, des jeux vidéos, ou des appareils hi-fi, est l’un des produits phares de l’ère post-industrielle qui feint un peu ( beaucoup, passionnément, à la folie) d’ignorer les questions de spiritualités tout en voulant les remodeler. Toutefois, le nombre de personnes souffrant d’addictions à l’alcool ou aux jeux vidéos est déjà moindre. Peu d’individu meurent d’une cirrhose du foie. Quant aux polémiques autour des jeux vidéos elle ne concernent que certains classés +16…mais combien d’individus meurent pour avoir trop joué aux jeux vidéos?
Ci-dessus les composantes d’une cigarette.
» Répétons-le car les chiffres sont littéralement astronomiques; 6 000 milliards de cigarettes sont fabriquées chaque année dans le monde, 1 000 pour chaque homme, chaque femme, et chaque enfant de la planète; 6000 milliards de cigarettes c’est assez pour relier la Terre au Soleil et retour; mais cela permet de remplir 24 fois la Grande Pyramide de Gizeh ou 60 fois l’Empire State Building, à New York; cela suffit à couvrir un terrain de football sur près de 1600 mètres de hauteurs ou à remplir 250 fois le Colysée de Rome; en Chine, on pourrait daller la Grande Muraille ( longue de 6000 km) d’une couche serrée de cigarettes, large de 3m et haute de près de 4. Nous parlons ici de 60 millions de mètres cubes de cigarettes, fumées année par année. «
D’après Proctor le succès de la cigarette est dû à plusieurs étapes: 1) l’invention du séchage à chaud; 2) la création des allumettes; 3) l’industrialisation du secteur cigarettier; 4) les taxes des gouvernements; 5) les rationnements auprès des soldats lors de la Première Guerre Mondiale; 6) le marketing; 7) les rapports mensongers présentés dans des commissions; 8) les propriétés chimiques du tabac.
Le quatrième point résume très bien, par exemple, la politique de notre gouvernement. Sous prétexte de lutte anti-tabac nos gouvernements ont vu dans la masse de fumeur une manne, à l’instar des automobilistes qui ont du mal avec les vitesses limites. Les politiques se foutent complètement du quidam qui entre en phase terminale, ils se sont appuyés sur les revendications d’associations prohibitionnistes pour concocter des lois et des directives aux effets liberticides
Hollywood a été un excellent outil de marketing de masse. Il est vrai que le couple mythique Humphrey Bogart/Lauren Bacall incarne l’élégance au temps de l’Âge d’Or du cinéma. Chez n’importe quel homme, et n’importe quelle femme, ça donne l’idée que la cigarette- objet banal- confère quelque chose d’extraordinaire. Cependant, l’acteur principal de Casablanca confiait » Les cigarettes sont les clous de mon cercueil« . Il est mort d’un cancer de l’œsophage.
Un peu avant le » couple mythique », dans une Europe connaissant la montée des totalitarismes, parallèlement à ses atrocités, L’Allemagne Nazie était la première à authentifier les dangers de la cigarette. Le national-socialisme hitlérien, qui poussât le principe de pureté raciale à son paroxysme, cherchait à contrôler les mœurs de ses citoyens. Chaque corps appartenait au Führer. Mens sana in corpore sano. Toute maladie était identifiée comme « une forme de trahison », et donc une menace potentielle présentant des signes de contagion. Les grands médecins nazis émirent des doutes dès le tout début du régime. Ainsi, le très sinistre Hans Reiter arguera étude à l’appui que » fumer provoquait un rétrécissement des artères, conduisant à des accidents vasculaires et à des gangrènes des extrémités, endommageait les vaisseaux sanguins qui alimentent le cerveau.« , ou que » les lésions du système respiratoire n’étaient pas moins courantes, entrainant un catarrhe pulmonaire chronique, ainsi que l’asthme et l’emphysème, maladies aux occurrences disproportionnées chez les « inhaleurs » de la trentaine et la quarantaine. La perte de mémoire, les temps de réaction garantis, le vieillissement prématuré, les rides de la peau, les cheveux gris, les ulcères, la cécité, et le diabète…tous avaient été reliés au tabagisme.« . Inéluctablement, le tabac sera vu comme un poison répandu par les Juifs et dont seraient friands des africains dégénérés, sachant que Hitler, Goering, ou Eva Braun étaient eux-mêmes fumeurs.
Ce qui est assez ironique car la propagation de la cigarette s’est justement faîte par les guerres. » Vous m’avez demandé ce qu’il faut pour gagner une guerre. Je vous réponds: du tabac, au moins autant que des balles« . Les soldats américains ont participé indirectement à la diffusion de la cigarette, car déployés aux quatre coins du monde la cigarette leur a aussi servi indirectement pour nouer des liens avec les populations.
Bref, à l’heure où de soi-disant experts nous bassinent les oreilles avec le conspirationnisme il faut savoir que les anglo-saxons ( dont les Etasuniens) considèrent la conspiration comme un délit, une entente implicite entre un groupe de personnes qui s’apprêtent à commettre une infraction, à l’image de Philip Morris qui a prévu tout un budget pour indemniser des plaignants tout en continuant à empoisonner sa clientèle. » Parmi les divers services rendus par les historiens à Big Tobacco, le plus perturbant- et le plus lourd de conséquences- concerne leurs témoignages devant les juges. Les témoins experts sont le plus souvent recrutés parmi le vivier, plus vaste des consultants qui travaillent déjà pour ces compagnies, parfois depuis des mois, voire des années.« .
Chiffre du Golden Holocaust au vingtième siècle: 100 millions de morts. Ce qui est à peu près 16 à 17 fois les chiffres officiels de la Shoah, 10 fois supérieur au génocide Amerindien, ou à peu prés équivalent aux exactions du Communisme ( Maoïsme+ Stalinisme+ Khmers Rouges). D’après Proctor si rien n’est fait, avec le nombre exponentiels de fumeurs de plus en plus précoces, on atteindrait facile trois à quatre cent millions de morts, ça équivaut à peu près à un quart de la population indienne actuelle. D’ailleurs, il faut remarquer que la Chine et l’Inde ( les deux pays les plus peuplés au monde) comptent actuellement, chiffres cumulés, plus de six cent millions de consommateurs. Le nombre de mort passé, ainsi que ceux à venir, paraissent énorme. Mais prenez différents types de consommateurs dans un pays de nombre d’habitants égal à celui de la Russie, dont la moitié des hommes sont recensés fumeurs, que jusqu’en 2013 le nombre de décès par année tournait dans les quatre cent mille individus ( aujourd’hui peut-être un peu moins), donc si on admet que sur 140 millions d’individus 400 000 ne constitueraient que 0.35% il faut aussi prendre en compte le taux d’accroissement démographique au fil d’une décennie, et quand bien même le pourcentage de morts stagnerait à 0.35%- ce qui est mathématiquement impossible- le nombre de décès chez une population passant de 140 millions d’individus à cent-soixante et quelques ne fera qu’augmenter.
Les chiffres du tabagisme passif sont tout aussi alarmants, le nombre de morts est estimé à 600 000 individus de par le monde.
Du reste Proctor a une approche nettement prohibitionniste. Le problème des approches prohibitionnistes c’est qu’elles finissent par être le prélude à des dictatures, où les responsables politiques finiront par chercher à tout contrôler chez les individus. L’auteur est très catégorique à l’endroit des associations de fumeurs, même celles proposant de substituer la cigarette industrielle par des plantations artisanales- où il serait possible pourtant de fabriquer du tabac à PH plus élevé et en s’abstenant d’ajouter des saloperies chimiques addictives.
L’espoir parait déjà réduit en cendres…