Fleur Pellerin, French Tech, Hadopi et foutage de gueule (par H16 Hashtable)

Vous vous souvenez d’H16 Hashtable? Forcément, puisque vous avez été pas mal à m’écrire tout votre « amour » pour ce chroniqueur. Sur cet article il revient sur le cas de Fleur Pellerin, Ministre déléguée chargée des PME, de l’innovation et de l’ Économie numérique, et sur sa French Tech.

Aujourd’hui, parlons numérique. Ça tombe bien, il y a abondance de matière actuellement, et notamment du côté politique où l’on sent que certains s’agitent encore (à nos frais) pour tenter de tirer la couverture à eux.

Et qui mieux que Fleur Pellerin pour incarner cette petite agitation sporadique dans le domaine ? Qui mieux qu’elle peut intervenir dans les marchés numériques et mettre ce petit brin de pagaille et de dépenses publiques inutiles pour montrer que le gouvernement fait quelque chose, alpha et omega communicationnel de tout gouvernement français qui sait qu’il aura un bilan à établir au moment des élections ?

Et donc, pour ne pas déroger à la tradition d’une agitation trimestrielle dépensière, la Fleur gouvernementale nous aura donc gratifié à la fin de ce mois de janvier du lancement officiel de la French Tech, mouvement de mobilisation collectif initié par le gouvernement en novembre 2013, dont le but ambitieux est de favoriser en France les startups numériques et y rétablir l’image du pays en matière d’innovations numériques, puis de développer un écosystème s’appuyant sur ces jeunes pousses, les investisseurs, les écoles et les universités.

Et concrètement, ceci se traduit donc par l’habituel bric-à-brac de mesures diverses aux couleurs acidulées et proposées dans des packaging vitaminés d’une communication dopée au pognon des autres, le plus facile à dépenser ; la French Tech, c’est par exemple la création d’une labellisation Made By Government, destinée à distinguer les métropoles qui claquent dans le numérique une quantité notable de thunes du contribuable. Mais la French Tech, c’est aussi une « mise en visibilité internationale » et un « programme d’accélération » à base d’argent privé et d’argent public. Et enfin, parmi toutes les autres choses concrètes et palpables que représente la French Tech, on trouve bien sûr une enveloppe de 15 millions des ressources financières en provenance directe de vos poches pour soutenir des campagnes marketing, destinées à renforcer la visibilité de cette magnifique French Tech hors de nos frontières.

Ah et j’oubliais : la French Tech, c’est aussi (et bien sûr) un site web au design … gentillet et une identité graphique tout à fait sympatoche à base de coq rose. Je vous laisse découvrir ce joli morceau de bravoure avec de vrais morceaux de fruits secs dedans. Et n’insistons pas trop lourdement sur le fait que, 48h après le lancement, la bousculade de commentaires, de retweets et partages facebook permette au site de s’envoler dans les classements les plus prestigieux, ahem broum bref enfin bon.

Si vous avez l’impression qu’encore une fois, les robinets à pognon public viennent de s’ouvrir, c’est normal puisque c’est exactement ça. Bien sûr, de l’argent privé est abondamment sollicité et sera aussi mobilisé dans l’opération ; mais il le sera d’autant plus facilement que l’État et ses ressources fiscales inépuisables seront derrière. Notez aussi que cette ouverture de sprinklers étatiques sera très finement adaptée pour arroser les bonnes startups. Je vous laisse ici imaginer ce que bonnes veut dire dans le contexte du capitalisme de connivence qui ruine la France depuis 40 ans : ne vous inquiétez pas, tout se passera remarquablement bien, comme d’habitude dans ce genre d’initiatives, puisqu’il s’agit d’investissements et pas de subventions ! Derrière, comprenez-vous, la Caisse des Dépôts et Consignations attend un retour avec du bénéfice et du rendement, mes petits amis, ce qui garantit que tout se terminera en chansons.

Et si je parlais plus haut de bric-à-brac habituel, c’est bien parce que l’initiative de Fleur Pellerin, aussi pimpante soit-elle, s’inscrit dans cette longue tradition de résolutions et autres plans gouvernementaux pour faire en sorte que la France soit une terre de numérique tagada et d’innovation tsoin-tsoin. Et à chaque fois, ces plans, ces initiatives, ces résolutions, ces trucs, bidules et machins publics se sont traduits par le souvenir ému et parfois humide d’émotion de cet argent dépensé en pure perte mais ô combien rigolo à narrer dans les repas de famille. Qui ne sourit pas lorsqu’il évoque les TO7 du plan calcul ? Qui n’a pas chez lui, dans sa cave, un vieil exemplaire d’un minitel qui fonctionnerait si un serveur était au bout ? Qui n’aura pas conservé un petit terminal Bibop de France Télécom dont l’expérience ruineuse aura fait bondir la Cour des Comptes ? Plus proche de nous, qui peut avoir oublié les grandes avancées technologies insufflées par le gouvernement Fillon en 2008, pour aller chercher de la croissance avec les dents numériques ? Qui pourrait passer sous silence la réussite extraordinaire de Frédéric Mitterrand en 2010 avec son plan d’action en faveur du jeu vidéo qui a connu ensuite une croissance fulgurante en France ? Ou qui aurait pu oublier le passage tonitruant de Eric Besson à l’économie numérique entre 2010 et 2012 et le bouillonnement numérique qui en aura résulté ?

Oui, je sais, l’historique des ratages est cruel, mais il permet de conserver à l’esprit une chose évidente : on est en train de mettre en place un nouveau bidouillage gouvernemental qui aboutira, comme tous les autres, à la même bouillie vague et froide, composée pour trois-quarts d’argent public dépensé n’importe comment, d’une pincée de vœux pieux et de cette solide dose de médiocrité moyenne qui permettra de reléguer l’expérimentation au rang de vague souvenir honteux après une soirée trop arrosée.

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